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exercices de philosophie
13 mars 2006

La Rochefoucauld - C’est une grande folie de vouloir être sage tout seul.

231. C’est une grande folie de vouloir être sage tout seul.

 

La Rochefoucauld

 

Je vois dans cette maxime deux sens presque opposés :
D’une part, si on veut être sage, on a besoin de quelques autres. Celui qui veut être sage, celui-là doit en grande partie apprendre la sagesse, et même si la sagesse ne s’obtient pas seulement en lisant ou discutant, comme par vase communiquant, la sagesse des autres est toujours une occasion d’augmenter et de fortifier la sienne, par confrontation.

 

Des sages, des vrais sages j’entends, il y en a. Ceux-là possèdent un bien que celui qui n’est pas encore sage voudrait aussi s’approprier. Peut-il vouloir négliger la sagesse des anciens? Bien peu sage est celui qui néglige la sagesse des autres! La sagesse ressemble fort à une connaissance, et la connaissance est toujours celle d’un peuple ou au moins d’un groupe. Celui qui veut être sage par-lui même, qui veut être la source et le constructeur de sa sagesse, celui-là ne serai pas sage, s’il croyait pourvoir créer de rien, comme un enfant qui voudrait apprendre à parler sans écouter.
Mais des sages il y en a peu, et encore moins de vivant! Le jeune apprenti voudrait-il alors s’isoler, pour ne pas être distrait par les bruits incessants de la foule? Voudrait-il faire fuir ses amis, dont il peut croire qu’ils sont moins sages que lui, et sont des tentateurs vers la faiblesse d’esprit? Oui. Mais alors il doit bien prendre garde, car non seulement l’homme vit parmi les siens, mais de plus que vaudrait une sagesse qui ne serait vrai que pour un homme seul? De plus, on aurait beau être le plus sage, on n’est jamais assez sage pour être toujours le maître de toute sagesse, et celui qui marche vers la sagesse a bien des tentations, qui saurait voir en lui ce qu’il se cache à lui-même sinon ses amis?
Le sage, plus que tout autre peut-être, a besoin d’amis. On ne doit pas toujours croire ses amis, et trop souvent des camarades nous cachent à nous même notre vérité. Mais l’ami est cruel envers notre mauvaise part, il veut se venger de nos défauts car ils nuisent à nos qualités. Au travers d’un ami, nos yeux peuvent enfin voir notre visage, et lui voit où se cache notre mauvaise part. Notre ami est comme un espion, en confiance devant lui nous relâchons la méfiance de notre amour propre qui cache aux autres notre mauvais nous-même, et notre cœur dit enfin clairement les mensonges qui le guident. Mais cet ami est bien rare, et trop souvent son visage devient laid et ennemi quand il dit notre laideur et notre part ennemi de nous-même.

 

Mais d’autre part on sait que pour La Rochefoucauld, folie et sagesse sont des mots bien souvent associés, et que l’une ne va pas sans l’autre. Le pas-encore-sage voit bien que seul il ne deviendra pas sage, et dans son besoin des autres, il devient boulimique et mange les poisons comme les élixirs. Car le pas-encore-sage est tenté de prendre tel quel la sagesse des autres, il veut la saisir, et la convoite avec une avidité impudique. Trop souvent son amour propre, celui-là même qui l’incline vers la beauté tant louée de la sagesse, son amour propre voit les vêtements de la sagesse, il s’en empare et ne sait pas les porter. Ainsi le sage doit craindre le regard des autres, car la sagesse est une chose rare, et trop de camarades veulent te donner la leur qu’ils n’ont pas. Ils sont à craindre, eux et leur tentante connaissance. Trop d’hommes ont couru vers la sagesse, et ne l’ayant atteint, ont appelé sagesse ce qu’il avait trouvé. On doit ce se méfier, car sur la route de la sagesse, beaucoup vendent leur échec contre un peu d’audience et de flagornerie.
Mais aussi la sagesse du sage n’est-elle pas la sienne propre? L’homme est si petit, et la vérité si vaste, le sage n’est-il pas celui qui connaît le pays des vérités et sait où y trouver son pain? On n’a pas deux fois le même sage, et le problème de chaque sage est son problème à lui, sa grande folie n’est-elle pas justement la cause de son besoin de sagesse? Mais sa grande folie est à lui et lui seul, et dans la sagesse des autres se trouvent bien des remèdes qui ne le guériront pas ! Le sage est toujours trop seul, et sa sagesse est son regard propre vers l’alter.

 

Décidément je ne parviens pas à me départir de mes ambitions, et j’écris encore trop pour être lu. Ne me faudrait-il pas mieux vouloir écrire ce que j’ai vu et entendu? Mais alors ce serait peut-être encore trop mon regard que je voudrai saisir…

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