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exercices de philosophie
14 mars 2006

Alain - Le travail est la meilleur et la pire des choses; la meilleur s’il est libre, la pire s’il est serf.

Le travail est la meilleur et la pire des choses; la meilleur s’il est libre, la pire s’il est serf.
Alain, propos sur le Bonheur, XLVIII


Le travail fait le lien entre le sujet, qui agit, et la chose, qui subit. Travailler, c’est agir selon des plans de façon à réaliser un projet. Ainsi le bonheur, qui provient de la réalisation de la volonté, passe par le travail : de la décision à la réalisation en passant par l’acte, l’homme est heureux car il sent, voit et éprouve qu’il s’approche de ce qu’il veut.

 

Mais le travail est aussi une activité social, car le bonheur dépend aussi du bonheur de l’autre, et si on peut être heureux par un travail qu’on fait pour soi, on ne peut être heureux si on néglige complètement le bonheur de l’autre.
Inversement, bien des projets ne sont pas réalisable par un seul homme, on a besoin d‘aide. Et quand on ne parvient pas à convaincre, c‘est à dire à faire partager un désir, alors l’aide qu’on demande, on est  tenté de l’imposer, fut-ce en achetant le travail de l’autre par un salaire. Mais alors l’autre risque de ne plus travailler pour lui, le projet auquel il prend part n’est plus son projet, et trop souvent il dénigre en secret la volonté à laquelle pourtant il se soumet quotidiennement. Au mieux il se console d’obtenir par là un salaire qui sert ses propres projets.

 

On comprend  bien qu’il y a de la souffrance à se forcer, car on va contre soi et on se détruit. Il faut donc saisir la nuance entre se forcer, c’est à dire aller contre soi, et s’efforcer, aller avec soi. Dans les deux cas on ajoute au désir de réaliser l’objet la volonté de passer outre les désagréments qui jalonnent le chemin de cette réalisation. Mais quand on se force, en fait, ce n’est pas notre désir qu’on sert. Pourtant dans les deux cas, on sent un peu de liberté partir, soit au profit d’un autre qui ne nous la rendra pas, soit à notre profit, on sacrifie une petite liberté pour une plus grande, comme quant on rend un service à un ami ou qu‘on attend malgré la faim que la soupe refroidisse.

 

Il faut bien s’efforcer, car il manque toujours un peu de motivation pour le travail, et rares sont les gens qui ont la chance d’avoir une passion à assouvir et en même temps les moyens de le faire. Alors c’est l’autorité, non celle de la force, mais celle de la confiance, qui nous fait travailler pour nous réaliser nous-même en substituant, à la joie de voir accomplis un travail trop long et trop dur pour qu’on s’en représente le bout, la joie ( qu’on gagne à surévaluer un peu, car on en méconnais l‘essence) de satisfaire un autre. C’est pourquoi les adultes doivent remercier les enfants pour leurs dessins, lorsque l’enfant en dessinant à dessiné pour lui-même, pour se réaliser, en voulant dessiner pour l’autre : c‘est l‘effort qu‘on récompense.
Ainsi, on peut être serf en croyant être libre, et donc être serf et heureux. C’est d’ailleurs en une certaine façon le cas de tout homme, et rares sont ceux qui gagnent à prendre conscience de leurs chaînes, car souvent c’est au prix de grands malheurs.

On sait que le grand danger des civilisations glorieuses est l’ennui, lorsque la nécessité de travail pour vivre disparaît, et que l’accès aux plaisirs se banalise, on est toujours tenter de prendre le chemin le plus court vers la satisfaction. Ainsi les peuples trop civilisés retombent en enfance et, en courant vers toutes des jouissances entraperçues, ils négligent d’approfondir leur passion qui promettent -parait-il-d‘autrement plus vives jouissances. Ils voient dans les travaux de leur pères d’inutiles gesticulations pour atteindre ce qui est si simple à leur yeux à obtenir en buvant trop. C’est ainsi qu’on a eut cette phrase horrible :  « Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. » Ainsi si toute lutte pour la liberté part, au fond, d’un bon sentiment, elle comporte un danger, car ce n’est pas libre et seul que l’homme est heureux, mais soumis au lois qu’il aime. Ce n’est pas en tout à fait choisissant ses lois que l’homme est heureux, car qui est assez fort pour se choisir en toute probité de bonnes lois? Non, pour être heureux il faut approuver les lois qu’on suit. La liberté de choisir n’est pas une liberté de nier à tout va, car alors ce n’est pas de travail que l’on parle mais de saccage ou de vandalisme.
D’ailleurs asservir n’est pas en ce sens un travail, et c’est pourquoi on peut conclure que s’il n’y avait que du travail, il n’y aurait en l’homme que des sources de bonheur.

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