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exercices de philosophie
21 avril 2006

Spinoza - Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-à-dire...

VI. Per Deum intelligo ens absolute infinitum hoc est substantiam constantem infinitis attributis quorum unumquodque æternam et infinitam essentiam exprimit.

EXPLICATIO : Dico absolute infinitum, non autem in suo genere; quicquid enim in suo genere tantum infinitum est, infinita de eo attributa negare possumus; quod autem absolute infinitum est, ad ejus essentiam pertinet quicquid essentiam exprimit et negationem nullam involvit.

Ethica

VI. Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-à-dire une substance consistant en une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.

Explication : Je dis absolument infini, et non pas seulement  infini en son genre ; car de ce qui est infini seulement en son genre, on en peut nier une infinité d’attributs ; mais pour ce qui est absolument infini, tout ce qui exprime une essence et n’enveloppe aucune négation appartient a son essence.

Spinoza – Ethique


L’Ethique, dont l’objectif principal est de démontrer que le bonheur est possible, commence par une série de définitions ardues. La sixième définition est donc la définition de Dieu : l’être absolument infini.

Pour comprendre cette définition, il me semble indispensable de comprendre d’abord les termes qui la composent. Pour cela nous prendrons des exemples qui étaient classiques à l’époque de Spinoza. Mais il ne faudrait pas leur donner une importance autre que pédagogique, car ils expliquent surtout ce que signifiaient les mots avant Spinoza.

 

Qu’est-ce qu’une substance ? La substance c’est ce qui est en soi et se conçois par soi. Elle s’oppose au mode, c’est à dire à la manière qui est en autre chose par quoi elle est aussi conçue. Prenons un exemple simple : une chaise. Cette chaise est en elle et se conçoit par elle, puisque je n’ai pas besoin d’une table pour avoir une chaise. Je n’ai pas non plus besoin de comprendre ce que c’est qu’une table pour comprendre ce que c’est qu’une chaise. Donc cette chaise est une substance. Mais cette chaise a une taille, un poids, une couleur, et je pense à la couleur de la chaise, au poids de la chaise. Si je dit « je mesure le poids ou la taille de rien » je ment, puisque je ne peux pas mesurer rien. Donc pour penser au poids à la couleur, ou à la taille, je dois aussi penser à quelque chose de pesant, de coloré etc. Au pire je pense à la couleur d’un brouillard qui m’enveloppe, mais je ne parviens pas à m’imaginer ce que peut-être la couleur de rien. Donc la couleur, la taille et le poids existent en autre chose, ce sont des modes, des manières d’exister pour la chaise (ou pour une autre substance). Il est important de comprendre que presque tout, pour les anciens, est une substance. Un océan, un taille-crayon ou un livre sont des substances, et moi-même j’en suis une. La différence entre l’océan Seules les choses qui ont impérativement besoin d’autre chose (d’une substance) pour exister sont des modes.

 

Qu’est-ce qu’un attribut ? Pour Spinoza, l’attribut est ce que je perçois d’une substance comme constituant son essence. Commençons par l’essence : c’est elle que décrit une définition. Par exemple l’essence de l’homme c’est ce dont je vais parler pour définir l’homme. Je peux dire par exemple que l’homme est la chose qui pense. Tout ce qui pense est homme, tout homme pense. L’essence de l’homme ce serait donc ici d’avoir la faculté de penser. Donc ce que je perçois de la substance « homme » comme constituant son essence, c’est la pensé. La différence entre l’attribut et l’essence, c’est que un homme peut penser, mais ne pense pas à tout les pensées possibles tout le temps.

Je peux définir autrement un homme, je peux dire que c’est un homo sapiens sapiens. Cette définition n’est pas plus mauvaise que l’autre : on voit bien que tout ce qui est homo sapiens sapiens est homme, et que tout ce qui est homme est homo sapiens sapiens. Mais pourtant je ne dis pas la même chose : je perçoit la même substance de façons différente. On peut donc trouver à une même substance plusieurs attributs, chaque attribut est incomparable aux autres, ce sont juste différentes manière de comprendre le monde.

 

Relisons : « Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-à-dire une substance consistant en une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. »

Avec le mot « Dieu », Spinoza veux désigner un être absolument infini (nous verrons ce que cela veux dire en lisant l’explication), c'est-à-dire une substance (Dieu est en lui-même, il n’a besoin de rien d’autre que lui pour être ou être conçus par quelqu’un), une substance qui a une infinité d’attributs (c'est-à-dire qu’on pourrait le comprendre d’une infinité de façon) dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.

Mais qu’est-ce que c’est qu’une essence éternelle et infinie ? Il faut un instant se remettre dans les enjeu théologique et métaphysique de l’époque. Il y a une manière de définir les choses, c’est de dire ce qu’elle ne sont pas. Par exemple je peu dire que ma chaise c’est une planche sur quatre pieds sur laquelle on peut s’asseoir, et qui n’est ni un tabouret, ni un banc. Ça ne pose pas beaucoup de problème comme, sinon que c’est un petit peu tiré par les cheveux. Mais l’enjeu est énorme si je défini dieu par des termes négatif. Si je défini dieu comme étant celui qui ne peut pas ceci, qui ne sait pas cela, qui ne éviter le mal, ne parviens pas à établir le bonheur parmi les hommes etc. Je suis d’une part parti dans une mauvaise direction parce que ce sont des pensées noires et haineuses, mais aussi parce que dieu alors ne pourrait pas être parfait. Or si dieu n’est pas parfait, tout puissant et omniscient, qu’est-il ?

Il faut bien saisir aussi ce que signifie le mot fini, pour comprendre le mot infini. Si je suis fini, c’est parce que mon existence est limitée. Elle est limitée dans le temps, dans l’espace, ma volonté est faillible et mes espoirs inadaptés. Toutes le choses sont limité, parce qu’il existe un endroit, un lieu, où on peut dire qu’elle n’existent pas. Toutes les choses sont limitées, parce qu’il y a des choses qui sont plus fortes qu’elles. Dieu est plus fort que tout, il est plus grand que tous et dans tous les domaines possibles. Pourquoi ? Parce que non seulement dieu est infini, mais chacune des manières de comprendre quelque chose d’infini (la raison, l’espace…) sont des manières de comprendre dieu. Il faut dire qu’on apprendra par la suite que Dieu est tout, que toutes les choses sont des modes, des manière d’être de Dieu.

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Commentaires
Z
Je viens de découvrir depuis peu ce que Spinoza entend par Dieu. Difficile de comprendre pour moi à bon escient, béotien ou presque, tous les mots - substance, attribut, etc., que le philosophe emploie; mais vos éclairages par l'exemple - la chaise en est un, est vraiment heureux et donne envie de continuer.<br /> <br /> Par ailleurs j'ai pu lire : Dieu, c'est l'autre nom de la nature.<br /> <br /> Voilà une définition que j'aime. Je ne crois pas au dieu de l'église.<br /> <br /> Jean-Claude Zannoni
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