Pétrarque - Qui peut dire combien il brüle, est dans un petit feu
Chi puo dir com’egli arde é in
picciolo Fuoco
Qui peut dire combien il brûle,
est dans un petit feu
J’ai trouvé cette citation dans
les essais de Montaigne, au chapitre sur la tristesse, dans un passage où il
explique de diverses manières pourquoi les passions les plus vives ne sont pas
les plus visibles.
Celui qui peut exprimer l’intensité de la passion qu’il ressent ne ressent pas une passion forte.
Il n’est pas ici question de discréditer
les passions faibles. Notre âme peut être vue sous deux angles : Action et
Passion. Ses action sortent d’elle pour modifier la situation extérieur, et les
passions au contraire viennent de la situation pour renter en l’âme. Nous
pouvons parvenir à maîtriser nos actions pour aller vers le bien. Au contraire nous
subissons les passions (qui peuvent être bonnes ou mauvaises). Nous pouvons
seulement chercher à comprendre l’origine de nos passions. Cela nous permettra
peut-être de savoir comment agir pour favoriser les bonnes passions. L’action
sort de nous pour modifier l’autre, tandis que la passion vient des autres pour
entrer en nous.
Une grande partie de notre âme
compte, mémorise, travaille sans que nous y pensions. Par exemple, souvent nous
marchons sans y penser, alors que nous nous demandons où nous allons. Mais
c’est quand même dans notre for intérieur, dans cette salle de répétitions, que
nous examinons nos idées avant de les dire. Mais ce for intérieur n’est pas
assez grand pour ressentir beaucoup et agir beaucoup en même temps. Quand nous
ressentons quelque chose de fort, notre âme est trop remplie, et il ne nous
reste plus assez d’ « esprit » pour réfléchir bien à notre
manière de nous exprimer : l’action de bien parler est devenue trop
difficile. Les émotions nous remplissent tellement qu’elles nous empêchent
d’agir.
On pourrai vouloir accuser de
mensonge tous les poètes lyriques, dévaloriser leurs mots d’amour et leurs
complaintes en disant que s’ils avaient été vraiment émus, ils n’aurai pas
trouver la force de parler. Mais il n’en est rien. La poésie est une chose
patiemment fabriquée, et il faut un feu bien intense pour en susciter de
belles. Mais la poésie (et au fond tous les discours sur les choses importantes
qui nous touchent) prennent racine dans l’autre. Parler des émotions, c’est
toujours dire ce que l’autre (l’extérieur) nous fait vivre. On reçoit l’autre
par la passion, avant de le redonner par l’action. Mais ce sont deux
étapes : on ne peut pas espérer donner ce qu’on est en train de recevoir
quand on reçoit trop. Il faut d’abord trier, ordonner, corriger les fausses
interprétations, les mots trop vite trouvés.
Au fond le mot ne transmet pas vraiment la
passion, l’émotion, il la désigne seulement. Mais par quel mot désigner quelque
chose de tellement plus intense que le reste ? Celui qui dit : « j’aime
à la folie » n’exprimera pas grand-chose, son visage montrera mieux son
sentiments. Et si l’interlocuteur ne voit pas de quoi il parle, l’émotion ne
sera pas transmise. Plus encore, une passion mal exprimer devient vite
ridicule. La pudeur est le seul refuge de l’âme qui ne sait pas trouver le
chemin pour sortir. Il est impossible de transmettre exactement une de nos
émotions à quelqu’un d’autre. Alors à
chaque émotion il faut apprendre les mots qui l’exprime le mieux. Retrouver les
mots sans faire de caricature. Il faut parvenir à retrouver la maîtrise de son
âme. Dire une passions trop fort, c’est la dire mal, et nous avons tous appris
à taire nos grands sentiments. La sobriété, la simplicité du langage ne permet
que de d’exprimer des passions modeste. Un moment d’apaisement au milieu d’une
passions forte permet de prendre (consciemment ou non) le recul nécessaire. En
trouvant des mots qui expriment la passion plus sobrement, on peut parvenir à
la faire ressentir. Mais celui qui veux émouvoir autant qu’il est ému vise trop
haut : l’exagération masque la passion dans les mots. Mieux vaut alors se
traire, se cacher en attendant un peu d’apaisement. Dans l’apaisement, qui nous
rapproche des autres hommes, après que la vivacité nous ais isolé un instant,
le souvenir de nos passions peux prendre la forme des mots, car nos passions apaisées
sont devenu des passions facile à ressentir.