La Rochefoucauld – L'éducation que l'on donne d'ordinaire aux jeunes gens est un second amour-propre qu'on leur inspire.
261 - L'éducation que l'on donne
d'ordinaire aux jeunes gens est un second amour-propre qu'on leur inspire.
La
Rochefoucauld – Maximes
L’amour propre est l’amour de soi même et de toutes
choses pour soi. C’est une chose assez étrange en fait, l’amour propre est très
actif au fond de nous mais souvent caché à nos propres yeux. Pour La
Rochefoucauld l’amour propre c’est un peu comme un inconscient qui, par amour
de nous-même, nous montre tout -le monde, les autres et nous-même- de la façon
dont nous avons besoin de les voir.
Et l’éducation, qu’est-elle ? À priori tout le
contraire du point de vu des « jeunes gens ». On contrarie leur souhait, on leur fait voir
leurs insuffisances et leurs défauts, bref, on leur met sous le nez tout ce
qu’ils ne voudraient pas voir d’eux-mêmes. De plus cette éducation est visible,
subie et extérieur à eux.
Mais l’éducation, ce n’est seulement le fait d’éduquer,
d’agir pour améliorer l’enfant. On appelle aussi « éducation » le
produit de ces actions. Quand on dit par exemple de quelqu’un qu’il a une « bonne
éducation », ça veut dire qu’il se comporte bien, selon les règles de la
politesse, de la courtoisie, de la bienséance. Ça veut dire aussi qu’il a
une certaine culture, qu’il ne fait pas « mauvais effet », qu’il sait
se tenir, qu’il a même une certaine classe. Autant de mots qu’on aurait bien du
mal à définir : l’éducation qu’on a, c’est tout un arts compliqué, riche
et savamment ornementé de bien paraître. Dans ce sens, avoir de l’éducation,
c’est savoir se comporter devant les autres, dela même façon que devant nos
parents ou éducateurs, et c’est savoir le faire sans réfléchir,
« instinctivement », par réflexe conditionné. Et il me semble que
c’est justement en ce second sens que le mot est ici employé. Donner
l’éducation c’est donc éduquer.
Mais d’où vient que nous respectons au quotidien ces
règles de savoir-vivre ? Certainement pas de ce qu’on se les remémore
chaque fois. Non, ce sont des habitudes, ça vient de plus profond, d’un endroit
caché au fond de nous-même. Un endroit qui nous contrôle plus que nous le
contrôlons, puisque nous avons milles peine à modifier une habitude. On peut
dire que cette force nous pousse toujours à respecter les règles sans même que
nous y songions et qu’elle attend toujours le meilleur de nous-même. Mais
qu’est-ce que ce « meilleur de nous-même » ?
Pour cette force, pour notre éducation, le meilleur c’est de respecter les règles de la vie ensemble, c’est à dire de respecter les règles qu’on nous a inculqué lors de notre éducation. Avoir de l’éducation, c’est donc s’aimer en tant qu’on a été éduquer, c’est aimer notre éducation.
C’est un fait nous nous aimons, que nous avons de l’amour
propre. Mais comme nous vivons en société, il faut aussi se faire aimer. Pour
ça, il faut contrebalancer notre amour égoïste de nous-même, pour nous obliger
à paraître aimable, c'est-à-dire tel que les autres pourrons facilement nous
aimer. Il faut créer en nous une force qui n’est plus un amour de nous pour
nous, mais un amour d’être aimé. C’est la raison pour laquelle on nous
inculque, on nous inspire une autre force en nous : l’éducation. Cette
force est de même nature que notre amour propre, seulement on voit plus
facilement d’où elle vient car nous avons été témoin de notre éducation, même
si à l’époque nous n’en comprenons pas vraiment la signification.
Alors que notre amour propre nous pousse à nous
satisfaire nous-même, l’éducation nous pousse à satisfaire les autres, à être
comme ils attendent qu’on soit. Et même si l’éducation au moment où on la fait
semble claire, elle entre au plus profond de nous, si bien que souvent nous ne
savons pas très bien si nous sommes aimable par sincérité ou par protocole.
Elle est omniprésente et si il parait assez facile de ne pas suivre notre
éducation, c’est plus ou moins parce que notre premier amour propre, le vrai,
reprend le dessus.
Mais ayant dit tout cela, il me semble qu’on ne voit plus
que c’est précisément sur notre véritable amour propre et sur le désir que nous
avons que les autre nous aiment du même amour afin qu’on soit plus sûr d’avoir
raison de s’aimer, que c’est sur ce premier fondement que ce bâtit notre
éducation. Notre éducation, en ce sens, c’est l’effort, que fait notre amour
propre pour apprendre les règles selon lesquelles il pourra nous évaluer :
notre éducation c’est l’amour des autres pour nous qui vient prolonger dans son
rôle de guide notre amour de nous même. Mais là ce n’est plus La Rochefoucauld qui parle.