Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
exercices de philosophie
26 mars 2006

La Bruyère - Parler et offenser, pour de certaines gens, est précisément la même chose.

27 (V)
Parler et offenser, pour de certaines gens, est précisément la même chose. Ils sont piquants et amers; leur style est mêlé de fiel et d'absinthe: la raillerie, l'injure, l'insulte leur découlent des lèvres comme leur salive. Il leur serait utile d'être nés muets ou stupides: ce qu'ils ont de vivacité et d'esprit leur nuit davantage que ne fait à quelques-autres leur sottise. Ils ne se contentent pas toujours de répliquer avec aigreur, ils attaquent souvent avec insolence; ils frappent sur tout ce qui se trouve sous leur langue, sur les présents, sur les absents; ils heurtent de front et de côté, comme des béliers: demande-t-on à des béliers qu'ils n'aient pas de cornes? De même n'espère-t-on pas de réformer par cette peinture des naturels si durs, si farouches, si indociles. Ce que l'on peut faire de mieux, d'aussi loin qu'on les découvre, est de les fuir de toute sa force et sans regarder derrière soi.

La Bruyère les caractères.


Il y a des gens dont chaque parole semble avoir pour origine l’envie de nuire et de faire mal, la cruauté, la méchanceté. Tout ce qu’ils disent blesse.
Piquants et amers. Agaçant et repoussant, douloureux et écœurant.
Le fiel, c’est la bile, le liquide gastrique. C’est basique, malodorant, jaune-verdâtre. C’est ce qu’on vomit quand on a tout vomi.
L’absinthe, c’est une liqueur extraite d’une plante anisée, adulé par certain poète pour son aide à la créativité, mais toxique. Peut-être La bruyère savait-il qu’elle favorise la production de fiel.
Ils disent ce qui est douloureux à entendre, mais qui ne profite à personne. La raillerie, l’injure, l’insulte. Il y a des gens dont la salive coule des lèvres malgré eux, mais la salive ne nuit pas.
Pour ces offenseurs, le mieux serait qu’ils n’aient pas les moyens de nuire. En effet, si un sot se moque de vous, il est peu probable qu’il vous fasse vraiment du mal, car vous trouverez quelques choses de plus intelligent à lui répondre ou à penser pour vous consoler. Mais ce que l’offenseur a de vivacité et d’esprit est pour lui une arme, une arme puissante et précise qui détruit bien sa cible. Et cette arme finie toujours par se retourner contre lui-même. Celui qui répand autour de lui la discorde, le mépris, et toutes les autres marques inutiles de la haine, celui-là détruit ses proches, et se détruit lui-même, souvent sans le savoir.

Mais il ne suffit pas de laisser ces gens en paix, car s’ils n’ont pas une laideur à dire pour se défendre, ils attaqueront ce qui passe à leur porté. Quoiqu’on fasse envers eux, on s’en repentira. Si nous les combattons, ils rétorqueront, et ce ne sera pour eux qu’une occasion de plus pour offenser. Si nous les soutenons, la haine qu’ils inspirent rejaillira sur nous. Si nous les fuions trop tard, ils se vengeront par la réputation qu’ils tenteront de nous faire, et s‘ils n‘y parviennent pas ils mettront vos défenseurs en colère à force de contredire. Qu’on parvienne même à diriger leur flot de haine sur un absent, soit ils parviendront à vous convaincre, et vous serez comme eux, soit ils vous mettront encore en colère à force de contredire.
On ne peut pas leur demander d’être gentil, car ils pourraient encore dire que le monde est laid et qu’ils œuvrent pour la vérité, ou je ne sais quel autre chose. Discuter avec eux, cela leur servirait encore de prétexte à parler, donc à offenser. Il n’y a rien à faire, car même si on veut ouvrir avec eux un dialogue pour les aider à dire du bien, ils n’écouteront que pour réfuter, rétorquer, contredire. Ils se convaincront eux-même par leurs arguments.

Ainsi, d’aussi loin qu’on les voie il faut les fuir, et surtout ne pas se retourner, ne pas regretter. S’éloigner de tout ce qui se rapporte à eux, et ne pas vouloir, par curiosité ni même par compassion s’y intéresser. Car eux n’hésiteront pas à vous poursuivre, et le peu d’intérêt que vous leur porteriez serait une invitation à vous rattraper. S’ils voient que vous êtes contre leur attitude, et s’il ont l’occasion de vous approcher ou d’approcher vos proches ou même vos ennemis, il chercherons querelle. Il faut les fuir d’esprit, de corps, et aussi de regard.

Publicité
Publicité
Commentaires
exercices de philosophie
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité