Platon - Il doit arriver à comprendre que la beauté qui se trouve dans un corps quelconque est soeur de la beauté qui se t
XXVIII Ταῦτα μὲν οὖν τὰ ἐρωτικὰ ἴσως, ὦ Σώκρατες, κἂν σὺ [210a] μυηθείης· τὰ δὲ τέλεα καὶ ἐποπτικά, ὧν ἕνεκα καὶ ταῦτα ἔστιν, ἐάν τις ὀρθῶς μετίῃ, οὐκ οἶδ᾽ εἰ οἷός τ᾽ ἂν εἴης. ἐρῶ μὲν οὖν, ἔφη, ἐγὼ καὶ προθυμίας οὐδὲν ἀπολείψω· πειρῶ δὲ ἕπεσθαι, ἂν οἷός τε ᾖς. δεῖ γάρ, ἔφη, τὸν ὀρθῶς ἰόντα ἐπὶ τοῦτο τὸ πρᾶγμα ἄρχεσθαι μὲν νέον ὄντα ἰέναι ἐπὶ τὰ καλὰ σώματα, καὶ πρῶτον μέν, ἐὰν ὀρθῶς ἡγῆται ὁ ἡγούμενος, ἑνὸς αὐτὸν σώματος ἐρᾷν καὶ ἐνταῦθα γεννᾷν λόγους καλούς, ἔπειτα δὲ αὐτὸν κατανοῆσαι ὅτι τὸ κάλλος [210b] τὸ ἐπὶ ὁτῳοῦν σώματι τῷ ἐπὶ ἑτέρῳ σώματι ἀδελφόν ἐστι, καὶ εἰ δεῖ διώκειν τὸ ἐπ᾽ εἴδει καλόν, πολλὴ ἄνοια μὴ οὐχ ἕν τε καὶ ταὐτὸν ἡγεῖσθαι τὸ ἐπὶ πᾶσιν τοῖς σώμασι κάλλος· τοῦτο δ᾽ ἐννοήσαντα καταστῆναι πάντων τῶν καλῶν σωμάτων ἐραστήν, ἑνὸς δὲ τὸ σφόδρα τοῦτο χαλάσαι καταφρονήσαντα καὶ σμικρὸν ἡγησάμενον·
Πλάτωνος Συμποσίον
XXVIII. Peut-être, Socrate, suis-je parvenue à t'initier
jusque-là aux mystères de l'Amour ; mais quant au dernier degré de l'initiation
et aux révélations les plus secrètes, [210a] auxquelles tout ce que je viens de
dire n'est qu'une préparation, je ne sais si, même bien dirigé, ton esprit
pourrait s'élever jusqu'à elles. Je n'en continuerai pas moins, sans rien
ralentir de mon zèle. Tâche de me suivre le mieux que tu pourras. Celui qui
veut atteindre à ce but par la vraie voie doit, dès son jeune âge, commencer
par rechercher les beaux corps. Il doit, en outre, s'il est bien dirigé, n'en
aimer qu'un seul, et dans celui qu'il aura choisi engendrer de beaux discours.
Ensuite, il doit arriver à comprendre que la beauté qui se trouve dans un corps
quelconque [210b] est soeur de la beauté qui se trouve dans tous les autres. En
effet, s'il faut rechercher la beauté en général, ce serait une grande folie de
ne pas croire que la beauté qui réside dans tous les corps est une et
identique. Une fois pénétré de cette pensée, notre homme doit se montrer
l'amant de tous les beaux corps et dépouiller, comme une petitesse méprisable,
toute passion qui se concentrerait sur un seul.
Platon Le banquet
Diotime, la narratrice de Platon vient d’expliquer à
Socrate que l’amour était ce désir, ce guide vers la beauté la plus belle. En
fait cette beauté n’est pas la plus belle, elle est la seule belle !
Eternelle et parfaite, elle est toute beauté ! Mais cela n’est qu’une
introduction. Ce qui suit est une éducation pour apprendre à suivre le guide
l’amour, qui nous emmène vers la contemplation de la beauté parfaite. Mais ce
manuel, elle le dit, et c’est à nous d’en prendre conscience, il est presque
impossible de le comprendre. Les mots sont dits, à nous de ne pas les écouter
sans les entendre. En effet, Diotime n’est même pas sûr d’avoir réussi à
expliquer à Socrate ce que c’est que l’amour. Elle est encore moins sûre que
l’esprit de Socrate puisse comprendre son discours. C’est dire si nous devons
oublier nos trop grandes ambitions !
Celui qui aime et qui veut voir la beauté parfaite doit
commencer par chercher la beauté la plus ordinaire, la plus fréquente. Il doit donc
aimer un corps, et faire de beau discours, pour plaire par sa vertu. Alors il
doit être près à voir la beauté du corps en général. En effet tous les corps
sont semblables, et ce qui est beau dans l’un est aussi beau dans l’autre. Tous
les corps sont des expressions de la beauté. Il doit donc rejeter l’amour d’un
seul corps. En effet celui qui aime un seul corps se détourne des autres corps.
Il s’agit de la première étape de la longue ascension
vers la vraie beauté, qui est la source inépuisable de satisfaction bonne,
éternelle et divine. Cette première étape est comme un exercice. Il faut
d’abord apprendre à reconnaître le beau là où il est, en aimant un beau corps.
En aimant ce qui est facile à aimer, on a envie de mieux faire, de mieux
parler, de mieux pense. Et petit à petit on se détache de la contemplation de
ce seul corps, et de cette chair. En effet quand on fait de beaux discours, on
commence déjà à libérer un petit peu son âme.
Puis il observera que ce qu’il trouve beau dans ce corps
qu’il aime, il peut le retrouver dans tous les autres corps.
Cela semble paradoxal, car on se dit que c’est toujours
telle particularité qu’on aime, un beau regard, une belle courbe. Mais Platon
ne parle pas d’une apparition particulière de la beauté. Il parle des raisons
pour lesquelles on trouve que cette courbe ou ce regard est beau : cette
raison est, selon lui, toujours la même. Cette beauté est la beauté qui se
trouve dans la forme des corps. Chaque beauté du corps touche à l’idée de Beau.
Quand on aime un beau corps on voit cette beauté au travers d’une de ses
manifestation. Mais on peut la voir au travers de tous les corps, car chaque corps
est endroit où se trouve les plus accessibles manifestations de la beauté.
Chaque corps est un enseignement sur la beauté. Il faut donc parvenir à aimer
cette beauté qui se trouve, de façon toujours particulière, dans tous les corps.
C’est la toute première étape du chemin de l’amour que d’apprendre à
reconnaître le beau partout où il se trouve.
Elle est la plus facile, spontanément on voit le beau
facilement, et on sent bien que c’est la même fascination qui nous attire vers toutes
les manifestations de la beauté. Cette première étape est délicate, car l’amour
charnel veut nous attacher à un corps et nous empêcher de voir le beau dans les
autres.
Quand on sait que la beauté d’un corps est sœur de la
beauté des autres corps, on est près à la chercher dans tous les corps. Aimer
tous les corps signifie aimer la beauté du corps dans chaque corps. Mais on ne
peut pas aimer un seul corps si on veut aimer tous les corps. Il ne faut pas
exclurent les autres corps de notre amour en aimant trop un seul corps. Car les
autres corps sont beaux aussi, et ne pas voir leur beauté, c’est mentir.
Préférer un corps, c’est être partial intolérant, injuste.
Ainsi fini la première étape. Elle commence par l’amour
d’un seul corps. Un corps qui nous apprend à reconnaître sa beauté. Cette
beauté on la retrouve dans tous les corps. Alors on apprend à aimer tous les corps.
Celui qui franchit cette étape est presque libéré de l’amour charnel. Car il a
dompté son désir sexuel. Il pourrait alors s’élancer vers la découverte de
l’amour des âmes, mais c’est une autre histoire…